Il faisait doux et chaud  dans la pouponnière ce matin là. Allongée dans sa litière Pelage de Lynx léchait doucement la tête de sa première née, la seule qui avait survécu à la mauvaise saison. Malgré son air calme et serein, Pelage de Lynx était inquiète. En effet, le Clan du Vent était en guerre contre celui de l'Ombre, et les chefs avaient déjà engagé les hostilités. Elle s'inquiétait pour son chaton, affaibli par la saison des neiges et à qui une bataille serait fatale, mais également pour son clan, car la faim se faisait sentir, et même le redoux ne ferait pas sortir les proies de leur terriers.
Le Clan était faible, et une guerre ne ferait qu'apporter de nouveaux malheurs. Le chaton remua, et elle reporta toute son attention sur la petite boule de poils.

-Maman, puis-je me lever ? Petit Sapin et Petit Ours sont partis depuis longtemps, eux.

Petite Prêle s’extirpa maladroitement de la litière de mousse et s’étira de tout son long sur le sol meuble de la pouponnière.

-Oui, mais ne fais pas de bêtises.
-Compris.

Petite Prêle se glissa hors de la roncière. Le camp était très animé : des guerriers passaient à toutes allure devant elle pour aller colmater des fissures dans la barrière de ronces qui entourait le camp. Les deux seuls apprentis du clan, Nuage de Rêves et Nuage de Violettes s'entrainaient à combattre devant leur tanière. Soudain, un cri s'éleva du tunnel de fougère qui menait au camp et un guerrier inconnu déboula dans la clairière. Petite Prêle sursauta lorsque son père, Cœur de Nuit, s'écria:

-Le Clan du Vent !

D'autres ennemis apparurent derrière le grand guerrier pommelé arrivé le premier, tandis que celui-ci criait :

-A l'attaque !

Petite Prêle sentit des crocs se planter dans sa nuque et la ramener à l’intérieur de la pouponnière. Pelage de Lynx, car c’était elle, poussa sa fille vers le recoin le plus sombre de la roncière et lui recommanda :

-Surtout, ne bouge pas ! Quoi que tu entendes ou que tu voies, ne sors surtout pas de la pouponnière !

Paralysée par la peur, Petite Prêle ne put que hocher la tête. Lorsque Pelage de Lynx sortit du repaire des reines, le combat faisait rage. Elle rabattit le rideau de ronces sur l'entrée et se posta devant, en sortant les griffes. Le Clan du Vent ne lui arracherait pas le seul chaton qui lui restait !

Petite Prêle tremblait de tout son corps contre la paroi de ronces ; elle avait d’abord entendu les bruits de la bataille, puis plus rien. Un silence de mort planait sur le camp. Enfin, un félin se faufila à l’intérieur de la roncière. Petite Prêle la reconnut à l'odeur, c'était Poil de Furet, la mère de Petit Sapin et Petit Ours.

-Petite Prêle, Petite Prêle, où es-tu ?
-Ici ! Poil de Furet, que s'est-il passé ? Où est Pelage de Lynx ?
-Viens.

A l'expression de pitié qu'arborait le visage de la reine, Petite Prêle sut qu'il était arrivé quelque chose de grave. Elle suivit la guerrière à l’extérieur et se figea devant le spectacle qui s'offrait à elle. Au milieu de la clairière, entourés de félins en deuil, gisaient les dépouilles de Cœur de Nuit et Pelage de Lynx.

Ainsi commencèrent les premières lunes de la vie de Petite Prêle, aujourd'hui Prêle Argentée.